FINALEMENT
Travailler avec intensité, se consacrer pleinement à ce que l’on fait, entraine notre propre immersion, laquelle si l’on y prend garde, finit par dépeindre sur notre quotidien.
Ainsi un artiste, qui est appelé à interpréter un personnage historique doit il nécessairement s’imprégner du vécu de l’intéressé, et ce dans les plus petits détails. Pour ce faire, il lui faut lire, voire, entendre, tout ce qui a été dit, écrit, filmé, sur la personne en cause. Cela représente un travail considérable qui accapare à plein temps l’acteur et ce bien avant la période de tournage.
C’est ainsi que certaines méthodes encouragent le comédien à pleinement, intensément, « vivre », s’identifier, à son personnage… au point de risquer d’en être affecté émotionnellement, voire, même psychologiquement, avec pour résultat une confusion entre sa propre identité avec celle du personnage en cause.
Il en est de même de l’avocat qui défend son client au pénal. II a besoin de parfaitement le connaître, percer son identité, découvrir ses motivations profondes, afin de trouver les arguments nécessaires à emporter l’intime conviction des jurés. Demandez aux avocats ce qu’ils en pensent… ils vous répondront par l’affirmative et ne manqueront pas de rajouter que, les nuits précédant chaque procès sont fréquemment blanches car meublées de cogitations anticipant la plaidoirie.
Certes, certains arrivent à établir une « distance professionnelle » propre à s’allouer la possibilité de s’évader, de ne pas se laisser par trop envahir par le travail et ainsi préserver son propre équilibre mental et émotionnel.
Poussée à l’extrême cette démarche perfectionniste, qu’implique la quête poussée d’informations, est sujet à fatigue nerveuse, susceptible d’entraîner un « burn out », et peut être même, susciter des troubles psychologiques propres à confusément s’identifier à des tiers.
Situation caractéristique de ce que l’on appelle, qu’on qualifie, de » trouble de la personnalité multiple ». Pathologie pendant laquelle la personne passe d’une identité à une autre de manière incontrôlable.
C’est cet état comportemental que Claude Lelouch a mis en évidence dans son dernier film intitulé
FINALEMENT
dans lequel Kad Merad interprète Lino, grand avocat pénaliste qui, affecté par ce trouble du comportement, probablement suite à un accident vasculaire cérébral, se prend successivement pour ceux-là même dont il avait assuré la défense par devant les prétoires.
L’homme était pourtant robuste, d’apparente parfaite santé.
Tout semblait lui réussir : tant vie professionnelle, que familiale, amicale, amoureuse. Et pourtant, probablement dû à une surdose de travail, ce beau moteur qu’est le cerveau, a présenté des à-coups alors même que rien ne le laissait entrevoir. Les maux de tête laissant place à un comportement incohérent.
Décidément le vie n’est pas un long fleuve tranquille !…
Claude Lelouch voulait nous faire percevoir que le présent n’est pas que présent, qu’il est largement influencé par un passé omniprésent en nous. Force est à constater que, démonstration faite, il y est parvenu.
Comme on le sait la musique a toujours beaucoup compté pour notre producteur réalisateur. Sa complicité pendant tant d’années avec Francis Lai en a témoigné.
Le décès de son compositeur fétiche l’a amené à jeter son dévolu sur Ibrahim Maalouf pour composer la bande originale du film, et à Didier Barbelivien pour des chansons qui complètent à merveille l’aspect émotionnel du film.
Avec Elsa Zylberstein, Michel Boujenah, Sandrine Bonnaire, Barbara Pravi,…le casting est on ne peut plus à la hauteur. Néanmoins, immanquablement, on ne peut que constater que l’on doit à Kad Merad d’avoir su donner vie au film et ce de bout en bout, contribuant en cela à la dimension humaine voulue, souhaitée, au point d’amener Claude Lelouch à dire de lui, justifiant son choix : «il cochait toutes les cases ! ».
Regardez le bas de l’affiche du film, il y est écrit en petit, mais néanmoins de façon suffisamment lisible, «Tout ce qui arrive, c’est pour notre bien » thème de réflexion s’il en est pour tous ceux qui ont vu, ou verrons, l’œuvre…
À bon entendeur salut !