Roman « Navarre »
Humoriste et chroniqueur, notamment sur France Inter,
Tanguy Pastureau
Au fil de ces dernières années, a affuté son sens de l’observation et s’est fait un nom au regard de son humour décalé, de son approche ironique tant sur l’actualité politique et culturelle française, que sur le comportement atypique de nos concitoyens.
Fort de son expérience, et de sa maîtrise du sujet, il ne lui restait plus qu’à capitaliser sur ses connaissances et les utiliser de manière innovante.
Cela vient d’être fait :
Avec la sortie de son premier roman intitulé :
NAVARRE
dont le personnage central est Jean-Claude NAVARRE, homme politique, d’obédience centre gauche, élu, « faute de mieux », Président de la République Française, en une année non précisée mais que l’on pourrait situer au milieu du XXIe siècle.
A peine au pouvoir, ce dernier ne manque pas de faire le diagnostic d’une France en pleine déliquescence.
Devant de ce constat et afin d’y mettre fin, notre Président, pensant avoir trouvé la solution appropriée au mieux-être de la population, fait état, lors d’une solennelle conférence de presse, de la promulgation d’une nouvelle religion :
« cette religion, va être laïque. Ce sera une religion d’Etat, gérée et animée par la République, avec un but limpide t assumé : remplacer à terme, sur le sol français, les trois grandes religions monothéistes. Puis, ensuite, toutes les autres. Le constat est simple : nous nous déchirons par manque de projet collectif.
En voici un : le NAVARRISME ! »
Néanmoins, ayant conscience qu’en France, la laïcité est un principe fondamental qui garantit la séparation de l’Etat et des institutions religieuses, il ne saurait, en homme politique avisé, en discriminer aucune.
Aussi, pour parer à toute controverse sur cette spécificité nationale inscrite dans la Constitution, il veille à « favoriser » la mutation citoyenne souhaitée en octroyant, à chaque adhérent, une prime de 5000€.
Fort de cet appât, le succès fut, immédiat, au-delà même des espérances Présidentielles ;
Cette réussite fut alors perçue comme semblant confirmer le bien-fondé du principe selon lequel remplacer la diversité, source d’opposition entre les différentes idéologies, par l’unicité doit, tout naturellement, mettre, mécaniquement, fin aux oppositions.
Toutefois, si, dans le principe, l’idée semblait cartésienne et simple d’application, l’annulation des religions devant mettre un terme au problème religieux, c’était là sans compter sur la vindicte des oppositions.
Immanquablement, entre théorie et pratique, force est de constater qu’il existe un réel fossé. Une idée a beau être généreuse, sa mise en application ne s’en avère pas moins finalement complexe.
Il n’est pas facile de faire simple !
On peut dire qu’il en fut ainsi de la mise en pratique du communisme.
Que de noblesse dans l’idée fondatrice et pourtant, in fine, quel échec dans sa mise en œuvre.
On pourrait également faire un parallèle avec les murs linguistiques que constituent l’usage des différentes langues à travers le monde.
Ainsi, si l’Allemagne et la France avaient parlé d’une seule et même langue, il est probable que les affrontements guerriers successifs entre les deux pays n’auraient pas eu lieu ou, tout du moins, dans une moindre intensité.
Si l’idée d’une religion d’Etat, – le Navarrisme – est à mettre au crédit du « Président Navarre », l’Espéranto a eu pour initiateur, Zamenhof, lequel, l’inventa durant la seconde moitié du XIXe siècle, « en faveur de l’intercompréhension et de la fraternité ».
Et pourtant, cette idée géniale, qui fit dire à Léon Tolstoï :
« la vulgarisation de ce langage contribuera à créer un royaume divin sur terre »,
bien qu’existant depuis plus d’un siècle, n’a nullement réussi à devenir la langue universelle, censée faciliter la communication, la compréhension internationale et donc la paix.
Décidément, qu’il est difficile de faire cohabiter simplicité et unicité !
On attribue d’ailleurs à Léonard de Vinci, le dicton :
« la simplicité est la sophistication suprême »
laquelle phrase souligne, on ne peut mieux, que bien que la simplicité puisse sembler facile à atteindre, elle nécessite, paradoxalement, un effort considérable pour éliminer le superflu.
De même, LE NAVARRISME :
cette « religion d’Etat au carrefour de l’athéisme et de la start-up new âge, qui outre les 5000€ évoqués, propose porno gratuit et messes laïques en prime time »,
censée apporter les solutions d’un meilleur vivre ensemble se révèle rapidement n’être qu’un « pétard mouillé » aidé en cela par un sanglant attentat, à l’initiative des oppositions, entrainant par réaction la mutation d’un Président à l’écoute, ouvert à la controverse, en un Président autoritaire, despote, en quête de pouvoir absolu.
In fine, le peuple se soulève, encercle l’Elysée……et c’est la fin de Jean-Claude NAVARRE et du NAVARRISME.
Le sujet, bien que traité sous l’angle d’une « fantaisie politique traversée de personnages hauts en couleur qui met en scène les déboires loufoques d’un monde au bord de la déroute » n’en reste pas moins d’une grande lucidité sur les malaises actuels de notre pays et la difficulté à le diriger.
Bravo à Tanguy PASTUREAU qui signe là une satire très réussie, agréable à lire, pleine d’humour.
Les initiés en politique ne manqueront pas d’y discerner plus d’une allusion à ce qui s’est passé, et se passe présentement « en France et en Navarre ».
A noter, l’écoute amicale, dont fait état l’auteur en ses remerciements, d’Isabelle SAPORTA, journaliste d’investigation, chroniqueuse, éditrice.
Je me suis régalé avec cette lecture et, plus d’une fois, ai été amené à rire de bon cœur à la lecture de certains chapitres carrément hilarants.
Je vous en recommande la lecture.
L’ouvrage vient de sortir en librairies, édité par Fayard.