Dossier du mois :RESTRUCTURATION, CRÉATION DE HOLDING, OPTIMISATION FISCALE.
L’article 150-0 B ter du Code général des impôts (CGI) permet, sous certaines conditions, le report d’imposition des plus-values réalisées lors d’un apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur, dans le cadre d’une restructuration (souvent une réorganisation patrimoniale avec création d’une holding).
Il importe toutefois de bien connaître les points clés d’une création de holding sous forme de société civile à l’IS :
1. Objectif de l’article 150-0 B ter
Cet article permet à une personne physique de reporter l’imposition de la plus-value réalisée lors de l’apport de titres à une société qu’elle contrôle, à condition que :
- La société bénéficiaire (ici la holding) soit soumise à l’IS.
- L’apporteur détienne le contrôle de la société après l’opération.
- L’apport soit rémunéré par des titres (pas en numéraire).
2. Application à une société civile à l’IS
Si la holding est une société civile soumise à l’IS, elle peut bénéficier de ce régime, car :
- Elle est assimilée à une société de capitaux sur le plan fiscal.
- Elle entre dans le champ des sociétés éligibles au dispositif (sociétés soumises à l’IS).
3. Conséquences du report d’imposition :
• La plus-value est mise en report jusqu’à la cession ultérieure des titres reçus en échange (titres de la holding).
• Le report prend fin si les titres apportés sont cédés par la holding dans un délai de 3 ans, sauf si la holding réinvestit au moins 60 % du produit de cession dans une activité économique (dans les 2 ans).
• Si le report prend fin, l’imposition de la plus-value initiale est réactivée, avec les intérêts de retard.
4. Intérêt fiscal de l’opération
• Permet de regrouper des participations dans une holding sans imposition immédiate.
• Prépare une stratégie de transmission ou de gestion patrimoniale.
•Permet une éventuelle mise en œuvre du régime mère-fille, intégration fiscale, ou réduction d’IS par distribution de dividendes entre sociétés.
5. Points de vigilance
• Respect du formalisme strict (déclaration dans la 2074-I notamment).
• La société civile doit véritablement être à l’IS (option irrévocable à formuler).
• Attention à la substance de la holding : l’administration fiscale veille à ce que le montage ait une véritable logique économique et non un but exclusivement fiscal.
On peut également envisager une Holding sous forme Eurl ce qui aura pour avantage d’avoir une couverture sociale découlant d’une rémunération moins chargée socialement que dans l’hypothèse du salariat d’un Président de SAS ou de SA.
Pour rappel, sur le plan juridique, les conventions de « management fees » mises en place dans les groupes sont susceptible d’être annulées lorsque les prestations qu’elles prévoient font double-emploi avec des missions que le dirigeant devrait assumer au titre de son mandat social.
L’arrêt Gamlor (CAA Nancy, 2e ch., 9 octobre 2003, SA Gamlor), rendu en matière fiscale, avait ainsi rejeté, sur le fondement de l’acte anormal de gestion, la déduction des sommes versées par une filiale à sa holding au titre de « frais de présidence » d’une personne qui assumait les fonctions de dirigeant commun aux deux sociétés, aux motifs que la société holding ne fournissait aucune prestation de services distincte des activités déployées par le dirigeant dans le cadre normal de ses fonctions de PDG de la filiale.
La circonstance selon laquelle la filiale ne rémunérait pas son dirigeant était, selon la Cour, sans incidence sur l’analyse, le fait de renoncer à rémunérer le dirigeant constituant une décision de gestion opposable à la filiale. Ainsi les entreprises détenues par une holding sont-elles nombreuses à procéder à des conventions de management fees entre société mère et la ou les filiales. Cette méthode permettant à la société fille de bénéficier de prestations effectuées par la société mère contre rémunération.
Cette approche appelle toutefois à la plus grande prudence si l’on est en présence de dirigeants communs entre la société prestataire et preneuse de services. En dépit de son caractère contestable, il convient d’avoir conscience qu’elle a servi de fondement à de nombre de rectifications de la part de l’administration fiscale.
Toutefois, un arrêt récent du Conseil d’Etat en date du 4 octobre 2023, semble annoncer un retour à la normalité de l’appréciation de l’intérêt de l’entreprise en matière de management fees, en réfutant les principes énoncés par l’arrêt Gamlor dans les termes suivants :
« La conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt » ;
« L‘absence de versement, par une société, d’une rémunération à son dirigeant au cours d’un exercice ne constitue pas une décision de gestion faisant obstacle à la rémunération de ce même dirigeant, sur décision des organes sociaux compétents, au cours d’un exercice postérieur, le cas échéant à titre rétroactif, ou, au cours du même exercice, par l’intermédiaire d’une autre société ».
Cette nouvelle approche est à considérer comme un retour estimable à une appréciation de la normalité des actes de gestion plus conforme au principe d’autonomie du droit fiscal et impliquant de rechercher l’effet économique global des circonstances de fait et l’existence d’une contrepartie même indirecte ou voire différée à l’acte litigieux.
Bien entendu, cela n’empêche pas les services vérificateurs de s’assurer de la réalité des prestations et de la normalité du montant de leur rémunération.
Immanquablement la jurisprudence se durcit à l’égard des sociétés de facturation : requalification de dividendes en salaires, encadrement des « management fees » et questionnements sur la compatibilité entre SAS à l’IR et abus de droit social.
Les management fees doivent être justifiés par des prestations réelles rendues par la société holding à sa filiale (gestion, stratégie, finances, RH, etc.).
• Si c’est la société holding qui est dirigeante de la filiale, le lien juridique est clair : c’est elle qui exerce la direction et rend les prestations de management.
• En revanche, si le dirigeant de la filiale est une personne physique (même si c’est la même personne que celui de la holding), il devient difficile de justifier que les honoraires de direction soient facturés par la société holding, car elle n’a pas la qualité de dirigeant dans la filiale.
En cas de contrôle fiscal, si les management fees sont versés à la holding mais que c’est le dirigeant personne physique qui dirige la filiale, l’administration peut considérer les frais comme injustifiés, donc non déductibles pour la filiale, voire requalifiés en dividendes.
Pour bénéficier de certains régimes fiscaux (ex. : exonération partielle d’IFI, pacte Dutreil, etc.), la holding doit être “animatrice” de ses filiales. Un des critères en est l’exercice effectif de fonctions de direction dans les filiales.
• Si la holding est dirigeante de la filiale, cela constitue une preuve juridique forte de son rôle d’animation.
• Si c’est la personne physique qui assure le mandat social de la filiale, le lien est affaibli : l’administration peut considérer que la holding est passive, et donc refuser les régimes de faveur.
• Si la holding est la mandataire sociale, cela clarifie la gouvernance du groupe : toutes les décisions passent par les organes de la société mère.
• Cela renforce aussi le rôle centralisé de la holding, évite les risques de confusion entre patrimoine personnel et activités du groupe, et facilite la rédaction des conventions intra-groupe.
En tout état de cause, il faut que la personne physique continue à diriger la holding, sinon la gouvernance devient trop distante et rédiger une convention de prestation de services entre la holding et la filiale, avec une facturation au réel, et une justification économique des services rendus (rapport d’activité, comptes-rendus, etc.).
Ainsi et d’évidence, il est préférable de faire de la holding la dirigeante de la filiale afin de :
• Sécuriser les management fees ;
• Renforcer la qualité d’animation de la holding ;
• Clarifier les rôles juridiques dans le groupe ;
• Réduire les risques fiscaux en cas de contrôle.
En tout état de cause, la prudence doit être de mise.
A bon entendeur salut ! …
Pierre GHENASSIA
Expert-Comptable
Directeur Général