IL DÉSERTE
Georges ou la vie sauvage

Le 9ème Art est à l’honneur
Antoine de Caunes, figure incontournable du paysage audiovisuel français, a souvent évoqué avec humour et dérision son enfance marquée par l’absence de son père, Georges de Caunes, journaliste et aventurier.
L’un des épisodes les plus marquants de cette relation paternelle est sans doute l’année que ce dernier avait prévu de passer sur une île déserte, EIAO, dans le cadre d’une expérience extrême de survie. Finalement, confronté à de rudes épreuves morales et physiques, il n’y restera que quatre mois. Mais quatre mois qui parurent des siècles au jeune Antoine… Et pour cause, pour un enfant, âgé de 8ans – on était en 1962 – voir son père partir ainsi, volontairement isolé du monde, peut être vécu comme une forme d’abandon, voire une trahison affective.
D’ailleurs, interviewé à cet égard lors de la sortie de la BD IL DESERTE, il s’en est expliqué, précisant : « Dans mon esprit, mon père déserte, il me quitte »
Les relations entre pères et fils sont souvent empreintes de tensions, oscillant entre admiration et ressentiment, entre besoin de reconnaissance et envie d’indépendance. L’absence prolongée d’un père peut accentuer ce sentiment d’incompréhension et d’éloignement, obligeant l’enfant à se construire seul, parfois en opposition à cette figure paternelle. Antoine de Caunes a grandi dans cet univers où son père, véritable aventurier des temps modernes, semblait privilégier l’exploration et l’exploit personnel au détriment de sa présence familiale laquelle, de surcroît, était marquée par un mutisme d’autant plus surprenant qu’en opposition avec la faconde dont il faisait preuve à l’extérieur.
Transformer cet épisode de son enfance en bande dessinée est une démarche qui s’inscrit dans un processus de résilience. La création artistique permet souvent de revisiter le passé, d’en faire un récit maîtrisé où l’on peut réinterpréter les événements à sa manière. À travers cette transposition en dessin, que l’on doit à Xavier Coste, Antoine de Caunes ne se contente pas de relater un fait autobiographique ; il lui donne une dimension romanesque, rendant hommage à son père tout en se réappropriant une histoire qui lui a peut-être échappé lorsqu’il était enfant.
Cette BD qui vient de sortir en librairie, éditée par DARGAUD, est très attrayante, bien illustrée agréable à lire, et à regarder.
A noter que cet album a été consacré « coup de cœur » par Eric Smadja – fan de BD – suivi de nombreux fans sur Instagram.
En revisitant cet épisode, sous un angle narratif et graphique, Antoine de Caunes trouve un moyen de conjurer un sentiment d’abandon et d’apaiser, avec le recul de l’âge adulte, les blessures d’autrefois. Cette démarche illustre parfaitement comment l’humour et la créativité peuvent être des outils puissants pour gérer des conflits intérieurs et réconcilier le passé avec le présent.