LES VIVANTS d’Ambre Chalumeau

Il est des filiations qui résonnent jusque dans l’écriture. Le cas d’Ambre Chalumeau, jeune journaliste et chroniqueuse bien connue du paysage médiatique français, en est un bel exemple. Fille de Laurent Chalumeau, écrivain, scénariste, parolier, plume acerbe des médias et de la littérature française contemporaine, elle publie son tout premier roman, Les Vivants, un titre à la fois sobre et chargé de sens.
Ce passage de la chronique au roman est une forme de mue, un prolongement naturel d’un héritage intellectuel où les mots sont un moyen d’exister, de comprendre, de dire le monde.
Dans Les Vivants, Ambre Chalumeau choisit de raconter une histoire d’adolescentes à la croisée des chemins. Elles quittent le lycée, entrent à l’université. Diane intègre hypokhâgne, Cora choisit les mathématiques. Elles font leurs premiers pas dans le monde des adultes.
Pour Diane c’est « l’année de ses dix-sept ans, qu’elle commence comme un enfant, et finira comme un ancêtre ». C’est un âge fragile, celui où l’on se cherche encore, où les repères vacillent. Le coma d’un ami d’enfance, Simon, survenu brutalement, vient alors perturber cette transition, introduisant la violence du réel dans le fil encore souple et incertain de la jeunesse.
À travers ce récit, Ambre explore des thèmes universels : la peur de la perte, le poids du passé, la découverte brutale de la finitude. Mais elle le fait avec une voix personnelle, empreinte de justesse, d’ironie douce et d’une grande tendresse pour ses personnages.
On peut y voir du mimétisme, bien sûr. Comment ne pas penser à son père, Laurent Chalumeau, qui mêle aussi un regard critique sur le monde et à, tout comme elle, une narration fine des relations humaines.
Le style d’Ambre, toutefois, bien qu’hérité d’un certain sens de la formule et de l’observation sociale, s’affirme avec sa propre sensibilité. Là où Laurent Chalumeau manie volontiers le sarcasme et la satire, Ambre semble préférer l’émotion contenue, la subtilité du non-dit, et une attention fine aux bouleversements intimes.
Il n’en demeure pas moins qu’on trouve dans les écrits d’Ambre des formulations que l’on pourrait fort bien trouver chez son père telles :
- Diane, plus maquillée qu’une note de frais de Patrick Balkany,
- Il insistait auprès d’elle avec la détermination d’un témoin de Jéhovah qui fait du porte à porte,
- On se dit des mots d’amour, se sert des Kronenbourg, on voit la vie en cirrhose.
Ce premier roman n’est donc pas qu’un hommage filial ou une répétition familiale, il est un acte d’émancipation. Il témoigne d’une volonté de prendre la parole, de créer sa propre voix littéraire dans un monde saturé de bruit. Ambre Chalumeau y montre qu’elle n’est pas seulement « la fille de », mais une autrice à part entière, capable d’analyser avec finesse les tourments de la jeunesse et les heurts de la vie.
“Les Vivants” porte bien son nom : c’est un roman sur ceux qui restent, sur ceux qui avancent malgré tout, et c’est aussi, pour Ambre Chalumeau, une entrée vivante et remarquée dans le monde de la fiction.
Ce roman attachant est édité par Stock. Je vous en recommande la lecture.