Livre: Discours de réception de Fatou Diome à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique
Si l’on veut que la France tienne un rang international de premier plan ce n’est pas par son industrie, par son agriculture, par son armée, … non c’est par sa langue.
Et pour cause, si la langue française n’est pas la plus parlée de par le monde c’est immanquablement l’une des plus répandues et des plus usitées.
Il convient donc d’entretenir, voire embellir, ce joyau.
Pour ce faire la Francophonie a pour mission de promouvoir la langue française, œuvrant en cela à notre diplomatie culturelle et d’influence, mais également :
– à la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme.
– au soutien à l’éducation, à la formation, l’enseignement supérieur et la recherche.
– au développement d’une coopération économique au service du développement durable.
L’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique est composée de 40 membres : 26 étant écrivains, 14 philologues. Parmi eux figurent 10 membres étrangers.
On n’intègre pas facilement, es-qualité de membre, ce temple du savoir sachant, de surcroit, que ces derniers sont élus à bulletin secret, et sans candidature.
Cette institution belge réunit en effet que des “personnalités qui, par leurs travaux, leurs écrits, ou leurs discours, contribuent de la façon la plus éminente à l’illustration de la langue française”.
Ses membres, à défaut d’être appelés tout simplement académiciens sont comme leurs homologues de l’Académie française, surnommés “les immortels”.
A l’identique de ce qui se pratique en France, l’impétrant doit se plier au rituel.
Ainsi, dans les mois qui suivent son élection, le nouvel élu donne lecture de la traditionnelle “Notice sur la vie et les travaux” de son prédécesseur – lecture précédée d’un discours d’accueil dans lequel un académicien retrace la carrière du nouveau confrère.
La nomination de Fatou DIOME, élue en janvier 2023, et accueillie le 9 décembre 2023, n’a pas failli à ce rituel. Tout d’abord ce fut Monsieur Yves NAMUR – poète belge – secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langues et de littérature françaises, l’une des grandes voix de la poésie de langue française, qui fit le discours de réception puis, comme le veut la tradition, ce fut le tour du récipiendaire qui, après avoir remercié Yves NAMUR fit l’éloge de l’auteure Québécoise Marie-Claire BLAIS à laquelle elle succède au fauteuil 34.
L’éditeur Albin MICHEL a été bien inspiré de saisir l’occasion de faire de ces deux discours un petit ouvrage intitulé “Discours de réception de Fatou DIOME à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique” car, l’un comme l’autre, sont d’une exceptionnelle qualité.
En son discours de réception Yves NAMUR ne s’est pas contenté d’énoncer le parcours de vie, la biographie littéraire de Fatou DIOME mais a fait, à cette occasion, une véritable étude, on peut même dire une recherche, une analyse approfondie, tant des ouvrages de cette dernière que de son parcours de vie, de son enfance au temps présent.
Aussi, s’adressant à celle qu’il dénomme “La Dame en mauve” précise-t-il en introduction :
“Pour évoquer cette destinée exceptionnelle qu’est la vôtre, nous allons enjamber le temps, une cinquantaine d’années, et descendre loin, jusqu’en pays sérère et dans les Iles du Sine-Saloum. C’est là que vous naissez en 1968, à Niodior, une île du Sénégal.
Après l’évocation de sa scolarité à l’école et au lycée, ce qui était loin d’être évident à cette époque au Sénégal, puis ses études de lettres et de philosophie à l’Université de Strasbourg, où elle fut successivement chargée de cours puis enseignante. Docteur Honoris Causa de l’Université de Liège puis de celle de GAND.
Evoquant les différents écrits de l’auteure dont “La Préférence nationale” “Impossible de grandir” “Le Verbe libre ou le silence”, “Le Ventre de l’Atlantique”… il souligne qu’à la lecture de ces œuvres, il avait découvert “avec bonheur” un écrivain à la plume “à la fois drôle et caustique”.
Il se plaît également à citer quelques-uns de ses proverbes tels
“Seule la guillotine est conçue pour convenir à toutes les têtes”
“Même assoiffé d’affection, ou n’embrasse pas les oursins”.
Il souligne enfin son engagement politique et humaniste, ses combats contre l’intolérance.
Immanquablement les mots choisis, utilisés, les observations faites, dépassent, vont au-delà de la simple démarche d’accueil, ils sont, d’évidence, ceux d’un homme qui a, à l’égard de celle qu’il intronise, une réelle estime, une affection sincère, pour sa personne, son devenir, pour la fulgurance de son esprit.
Inutile de dire que, pour moi qui n’ai jamais manqué de faire l’éloge des qualités humaines de la femme et de l’excellence de ses ouvrages, ce discours de réception a suscité de ma part un très grand intérêt.
C’est avec une émotion non dissimulée que Fatou DIOME lui succède au pupitre en ces termes :
“Aujourd’hui c’est l’émotion qui fait tanguer ma barque”.
“Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique
Cher Yves,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,
Chers amis de la Francophonie,
Honorables invité(e)s
Mesdames et Messieurs”
Après les remerciements à ceux qui l’ont élue (ses dorénavant Consœurs et Confrères qu’elle appelle encore “Madame ou Monsieur” tout en s’excusant estimant, avec humilité, que, pour l’instant, son apprentissage continue à leurs côtés). Elle fait l’éloge de Marie-Claire BLAIS, à laquelle elle succède en cette éminente Académie, soulignant que :
“C’est en cadette admirative et respectueuse que je regarde son legs”
Célébrée au Canada, …multi primée en Europe, Marie-Claire BLAIS est un phare des Lettres francophones et de la littérature en général. Rappelant que cette dernière s’est illustrée dans tous les genres littéraires : romans, nouvelles, essais, récits, théâtre, poésie, scénarios, pièces radiophoniques.
“Essayer de résumer pareille œuvre, ce serait prétendre contenir l’Atlantique dans une bouteille !” croit-elle bon de dire sans pour autant manquer de nous satisfaire dans l’évocation détaillée tant de l’auteure, qu’elle qualifie de “Grande Dame”, que de son œuvre.
Pour ma part j’estime qu’il y a beaucoup de similitudes entre Fatou DIOME et Marie-Claire BLAIS. Toutes deux se sont faites par elles-mêmes, sont arrivées “à la force du poignet”.
Leurs réussites respectives, elles ne les doivent qu’à leur pugnacité, leur caractère affirmé, leur volonté de ne jamais renoncer, à toujours affronter avec détermination, sans jamais détourner leurs yeux, des problèmes de leur époque. Leur maître mot commun est de faire face aux injustices sociales. Toujours attachées, l’une comme l’autre, à mettre en avant, porter arguments, plaider pour l’unité du genre humain, la fraternité, la solidarité.
Ce faisant Fatou DIOME mène sa barque dans le sillon de celle de Marie-Claire BLAIS cette autre “femme debout” qu’elle nous fait, pour bon nombre d’entre nous, découvrir et apprécier.
Je ne saurais conclure sur l’évocation de cette nomination sans rappeler qu’on la doit à la langue française, que partagent, bien que d’horizons bien différents, Marie-Claire BLAIS la Québécoise, Fatou DIOME la Franco-Sénégalaise, Yves NAMUR le Belge.
D’ailleurs Léopold SIDOR-SENGHOR ne disait rien d’autre lorsqu’il écrivait :
“Dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue française”.
A méditer…